la taille
La taille des arbres s’effectue en hiver, lorsque toutes les feuilles sont tombées et que les arbres sont en repos végétatif. C’est une opération entièrement manuelle, qui s’effectue avec des sécateurs et ébrancheurs…ainsi que des échelles pour atteindre les sommets. (D’une manière générale ces brouette-échelles nous accompagnent à chaque opération dans les pommiers). Nous appliquons une méthode de taille minimaliste, limitée à des tailles de formation sur les arbres jeunes puis plus tard au ‘pincement’ des rameaux indésirables.
l’arcure des branches
C’est de loin l’opération la plus longue durant les premières années du verger. Il s’agit de courber les branches vers le bas, afin de limiter leur croissance au profit de la mise à fruit.
Chaque branche est attachée à l’aide d’une ficelle, reliée soit au tronc soit à l’un des fils qui constituent le palissage du verger.
la fertilisation
Selon la composition du sol avant l’implantation du verger, il peut être utile de l’enrichir en certains éléments, tels que le potassium, le calcium, l’azote ou encore le phosphore. Ensuite au cours de la vie des arbres, ceux-ci pompent de grandes quantités d’éléments dans le sol, pour leur croissance et pour la maturation des fruits.
Une partie de ces éléments est restituée au sol à l’automne, lors de la chute des feuilles.
Une autre partie est restituée lors de la taille : nous laissons les branches coupées se décomposer au pied des arbres (les extrémités des branches contiennent à cette période la majorité des nutriments stockés dans l’arbre).
Une dernière partie enfin, et pas des moindre, est exportée hors du verger avec la récolte des fruits : tous les nutriments contenus dans la pomme qui proviennent du sol ne sont pas restitués à celui-ci, puisque c’est nous qui en bénéficions ! C’est cette partie-là que la fertilisation permet de compenser d’année en année : en épandant du compost végétal, du fumier ou des engrais organiques, sources d’azote, de phosphore et de potassium
La fertilisation se fait de manière mécanisée, avec le tracteur.
un brin de biologie
95% des nutriments nécessaires aux plantes sont fournis par l’air, entre l’oxygène, l’hydrogène et le carbone (ainsi que l’azote pour certaines plantes, mais ce n’est pas le cas des pommiers). Les 5% restants sont absorbés dans le sol par les racines. La proportion peut sembler infime, pourtant ces nutriments-là ont une grande importance. Qu’un seul vienne à manquer, et c’est tout l’équilibre de la plante qui est mis en jeu.
Les arbres, grâce à leurs racines qui en explorent une plus grande profondeur de sol que les autres plantes cultivées, valorisent mieux les apports en nutriments : les pertes par lessivage sont moindres. Les quantités nécessaires de fertilisant à l’hectare sont donc bien inférieures à celles requises pour les céréales ou les cultures fourragères. La fertilisation en maraîchage quant à elle est gérée différemment car sur des surfaces plus petites : nous y épandons du fumier ou du marc de raisin.
le désherbage
Le désherbage au pied des arbres est nécessaire pour différentes raisons, et notamment pour limiter la compétition herbes/pommiers pour l’eau et les nutriments du sol à certaines périodes clefs, surtout dans la jeunesse des arbres. Cette opération s’avère longue en agriculture biologique puisque les herbicides ne sont évidemment pas de mise. Il s’agit alors d’arracher et biner les herbes à la main, en complément d’un passage à l’arbocep, un outil qui permet de travailler le sol entre les arbres. Ce travail du sol a un autre intérêt, celui de perturber les campagnols, ces petits rongeurs qui se nourrissent des racines de pommiers. Le fait d’abîmer les galeries les plus superficielles les empêche de se sentir trop à leur aise, ce qui évite que les familles ne s’agrandissent outre mesure…
Deux fois par an il faut également, en plus d’enlever les herbes concurrentes, couper les rejets au pied des arbres. Certains porte-greffes émettent de vigoureux rejets, qu’il convient d’éliminer pour éviter qu’ils ne grandissent et détournent à leur profit les nutriments absorbés par les racines. Cette tâche mobilise plusieurs personnes durant plusieurs semaines.
l’éclaircissage
Les pommiers fleurissent au début du printemps. Chaque fleur, si elle est fécondée (grâce aux abeilles et autres insectes pollinisateurs), peut donner un fruit. Le nombre total de fruits par arbre, si on les laisse tous est systématiquement trop élevé : en effet la tendance naturelle des arbres est de produire de très nombreux fruits, de très petite taille, et ce une année sur deux seulement. C’est ce qu’on appelle l’alternance.
L’éclaircissage consiste donc à limiter le nombre de fruits par arbre, afin d’obtenir des pommes moins nombreuses mais plus grosses et meilleures.
Les opérations d’éclaircissage sont essentiellement manuelles en agriculture biologique. Elles s’effectuent à différents stades.
Cela commence dès la taille d’hiver, où le choix des branches à conserver, à courber, à couper ou à pincer détermine déjà en partie la récolte suivante.
L’éclaircissage se poursuit au stade bourgeons avec l’ébourgeonnage manuel : chaque bourgeon retiré élimine cinq ou six fleurs (une inflorescence entière)
Cela continue au stade fleurs, avec l’élimination de plusieurs fleurs par inflorescence, car six pommes collées les unes aux autres ne peuvent toutes se développer et mûrir correctement
L’éclaircissage se termine, enfin, au stade ‘petits fruits’ : nous enlevons manuellement toutes les petites pommes en surnombre ou mal situées.
Ce long travail mobilise chaque année une large équipe de travailleurs saisonniers pendant plusieurs semaines. Il peut durer jusqu’à un stade de maturation des pommes parfois avancé.
la taille d’été
Le fonctionnement de l’arbre vise en permanence à atteindre ou à maintenir son équilibre naturel entre production de branches et production de fruits. Cet équilibre est propre à chaque variété – ou plutôt à chaque couple porte-greffe – variété.
Lorsqu’une branche est courbée, la mise à fruit est anticipée sur cette branche. En recherche d’équilibre, l’arbre se met alors à produire un surplus de bois pour compenser cette mise à fruit. Les réitérations qui poussent ainsi vigoureusement au niveau de l’arcure des branches doivent être éliminées, car elles dévient l’énergie du pommier en pompant toute la sève, au détriment de la croissance des autres branches et de la maturation des pommes. L’enjeu pour l’arboriculteur est de réussir à maintenir en permanence une répartition équilibrée de la croissance des branches (quelques cm à l’extrémité de chacune), et non pas des croissances spectaculaires de quelques branches seulement, qui perturbent tout l’équilibre.
Nous passons donc au milieu de l’été pour couper toutes ces réitérations un peu trop vigoureuses.
Les branches taillées lors de ce passage sont uniquement des pousses de l’année, c’est à dire issues de la croissance d’un bourgeon qui a éclos au printemps de cette même année. Il s’agit de bois tendre, dit bois vert ; d’où le nom de cette taille d’été, que l’on appelle aussi taille en vert.
les récoltes
L’époque des récoltes commence début septembre avec les pommes les plus précoces, et se poursuit jusque mi novembre pour les variétés plus tardives.
Pour chaque variété nous effectuons la récolte en plusieurs fois, ne cueillant à chaque passage que les pommes ayant atteint le stade de maturité souhaité.
Les pommes sont récoltées dans de grands paniers à cueillettes en tissus, qui sont ensuite vidés délicatement dans des palox (de grandes caisses en bois de 1,2mX1,2m sur 1m de hauteur). Ces palox sont ensuite disposés dans la chambre froide, d’où nous les ressortons au fur et à mesure des ventes tout l’hiver.
Lors de la récolte, il est très important de manipuler les pommes avec précaution : le moindre choc génère un traumatisme sur la pomme, qui devient alors farineuse à cet endroit et risque de se gâter.
le stockage
Une fois les pommes récoltées et mises en palox, l’enjeu est de parvenir à les conserver ainsi plusieurs mois, le temps de vendre tout le stock.
Nous conservons les palox dans la chambre froide et les ressortons au fur et à mesure des ventes. Les pommes sont transportées par caisses de 14kg ; nous les transférons donc depuis les palox (qui contiennent chacun 300 kg de pommes) dans les caisses. Ce transfert manuel est l’occasion d’un nouveau tri : petits calibres, pommes piquées ou abîmées sont écartées.
D’une manière générale, lors de toutes les manipulations sur les pommes pendant et après la récolte il est impératif d’être extrêmement soigneux, afin d’éviter les chocs d’une part, d’écarter les pommes abîmées d’autre part.
gestion des maladies et ravageurs
Les pucerons, chenilles, campagnols et autres nuisibles qui menacent l’équilibre du pommier sont nombreux au fil des saisons. Partant du principe que chaque espèce a sa place dans un agrosystème (écosystème exploité par l’homme), nous ne cherchons pas nécessairement à les détruire mais plutôt à limiter leur impact. Notre rôle est ainsi de maintenir un équilibre entre la pression exercée par ces nuisibles et la qualité des récoltes. Différentes méthodes sont employées à cette fin ; en voici quelques une détaillées ici à titre d’exemple. Nous continuons d’en tester de nouvelles chaque année afin d’améliorer nos pratiques, car cet équilibre n’est décidément pas facile à atteindre.
prophylaxie
La démarche prophylactique consiste à considérer les différentes maladies et ravageurs potentiels sur un lieu donné, et à prendre en compte l’ensemble de leurs cycles de développement afin d’identifier les moyens possibles pour limiter ou ralentir leur développement.
Cette démarche préventive commence dès le choix des variétés. Par exemple, certaines variétés de pommiers sont naturellement résistantes à la tavelure : voilà une caractéristique intéressante à prendre en compte lors du choix des variétés afin de s’épargner une lutte permanente contre ce champignon.
Cependant même les variétés dites résistantes peuvent finalement s’avérer sensibles – le champignon, comme tout être vivant, évolue de génération en génération et finit parfois par contourner les protections physiologiques de la variété. Il faut donc empêcher l’arrivée de l’inoculum dans le verger, ou limiter sa propagation lorsqu’il est déjà là. Nous appliquons pour cela des solutions à base de soufre et de cuivre sur le verger au début du printemps. Afin de limiter la survie de l’inoculum dans le verger d’une année sur l’autre nous favorisons la décomposition des feuilles à l’automne en les broyant et en les enfouissant dans le sol.
Un autre exemple de réflexion prophylactique dans le cas du puceron cendré. Certaines variétés sont plus sensibles que d’autres aux attaques, ou les attirent davantage : les pucerons auront alors tendance à se multiplier en priorité sur les arbres de ces variétés-là. Il vaut mieux alors concentrer les efforts de lutte contre le puceron sur ces variétés en premier. L’une de ces méthodes consiste à semer entre les rangées de pommiers un mélange de fleurs attirantes pour les prédateurs du puceron : coccinelle, syrphe, chrysope, qui s’avèrent par leurs choix alimentaires nos précieux alliés. Il faut alors repousser la date de première fauche entre les rangs au plus tard possible dans l’année, afin de protéger leurs conditions de développement. La première génération est à protéger absolument : l’adulte a besoin de sucre pour se développer, sucre qu’il trouvera dans les fleurs…uniquement si celles-ci sont encore sur pied. Une autre pratique possible encore consiste à faire pousser de l’ail entre les arbres, dont l’odeur fait fuir les pucerons. Nous prévoyons de tester cela à la saison prochaine.
C’est la combinaison de toutes ces pratiques préventives (et d’autres encore à tester) qui permet de limiter la pression des pucerons dans le verger.
Il peut arriver néanmoins que certaines variétés nous semblent trop atteintes au printemps, de sorte que nous craignons une invasion sur l’ensemble du verger. Nous appliquons alors une solution d’extrait de plante aux propriétés insecticides sur les feuillages atteints.
Un dernier exemple enfin avec le carpocapse. Ce papillon de nuit pond ses œufs sur les feuillages des pommiers et les larves après éclosions pénètrent à l’intérieur des jeunes fruits en formation, qui deviennent alors des pommes « véreuses ». Différentes pratiques sont possibles pour tenter de repousser ce ravageur capable d’anéantir toute une récolte. On peut appliquer sur les feuillages une solution d’un virus particulier qui attaque les larves avant qu’elles ne pénètrent dans le fruit. Dans le même registre, un nématode parasite de ces larves peut également être introduit dans le verger par pulvérisation. Il existe aussi une protection mécanique, bien que nous n’y ayons pas recours : les filets, qui empêchent tout simplement le papillon d’accéder à l’arbre. Enfin, la confusion sexuelle : nous disposons dans tout le verger et alentours des diffuseurs d’hormones sexuelles qui perturbent la reproduction et empêchent ainsi la naissance d’une seconde génération.
Ces différentes pratiques sont souvent combinées, lorsque la pression du carpocapse est importante.
Le même type de raisonnement est mené pour les autres bioagresseurs : zeuzère (un autre papillon dont la chenille tue l’arbre en creusant des galeries dans le bois), pucerons lanigère, oïdium (un champignon), etc.
Les maladies de conservation également nécessitent une grande vigilance. La plupart sont des champignons. Si elles sont introduites dans la chambre froide où sont stockées les pommes, ces maladies risquent de se développer et de contaminer la récolte. Les précautions principales concernant ces maladies consistent à lutter contre la tavelure dès le printemps, et ensuite à être vigilent lors de la récolte : chaque pomme cueillie doit être observée attentivement afin d’écarter celles qui présentent des blessures et donc des risques d’attaque de champignons.
Une autre précaution importante également consiste à nettoyer les palox avant chaque nouvelle récolte.
Les maladies de conservation se transmettent également par le bois des palox, d’où l’utilité de cette opération. La chambre froide également est soigneusement lavée. Ce travail mobilise plusieurs personnes sur deux jours, mais il est justifié.
Les campagnols également représentent une menace importante pour le verger. Il est impératif d’empêcher qu’ils se multiplient à outrance, car les dégâts qu’ils causent en grignotant les racines des pommiers peuvent être fatals aux arbres. Le seul moyen à notre disposition pour l’instant est de travailler le sol régulièrement au pied des arbres, afin de détruire leurs galeries et éviter ainsi qu’ils ne se sentent trop à leur aise.
Ces différentes manières de limiter l’impact des ravageurs nécessitent d’y consacrer du temps et de l’énergie, notamment du temps d’observations et de réflexions, ainsi que de lectures. De nouvelles pistes sont explorées chaque année, et nous continuons d’apprendre.